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CDD d’usage
Le CDD « d’optimisation linéaire » du secteur des prestataires de services du tertiaire est bien un CDD d’usage
Créé en 2010 par les partenaires sociaux et étendu par le ministre du Travail, le CDD « d’optimisation linéaire » est au cœur d’un contentieux initié il y a plus de 7 ans et qui aura mobilisé le juge administratif et le juge judiciaire. Ce feuilleton touche à sa fin, avec un arrêt du 20 février 2019, dans lequel la Cour de cassation reconnaît à ce contrat la qualité de CDD d’usage.
Pour rappel, il est possible de recourir au contrat à durée déterminée (CDD) dans emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée (CDI) en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (c. trav. art. L. 1242-2, 3°).
En application de cette disposition, les partenaires sociaux du secteur des prestataires de services du tertiaire (IDCC 2098) avaient conclu le 10 mai 2010 un accord de branche relatif à « l’activité d’optimisation linéaire », qui avait ensuite été étendu par un arrêté du 19 décembre 2011 (arrêté du 19 décembre 2011, JO du 21, texte 79). L’activité en question consiste, schématiquement, à valoriser les produits en rayon et sur les têtes de gondole.
Cet accord avait notamment pour objet de créer un « contrat d’intervention à durée déterminée (CIDD) d’optimisation linéaire ». Par ailleurs, en cas d’activité régulière auprès d’une même entreprise (500 heures sur 12 mois), l’employeur avait l’obligation de proposer au salarié un CDI intermittent.
Un syndicat avait attaqué l’arrêté d’extension, au motif, notamment, que l’activité d’optimisation linéaire, confiée à des sociétés spécialisées, s’inscrivait dans l’activité normale et permanente de ces entreprises et ne pouvait donc pas justifier le recours à un CDD d’usage (c. trav. art. L. 1242-1).
Dans un arrêt du 14 mai 2014, le Conseil d’État avait sursis à statuer, estimant que c’était au juge judiciaire de décider si l’activité d’optimisation linéaire répondait aux critères du CDD d’usage (CE 14 mai 2014, n° 357039). Le syndicat à l’origine de la demande d’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté d’extension avait en conséquence saisi le tribunal de grande instance d’une demande d’annulation de l’accord du 10 mai 2010.
La Cour de cassation prend position dans un arrêt du 20 février 2019, par lequel elle rejette les deux principaux arguments du syndicat.
En premier lieu, celui-ci soutenait que le CDD d’optimisation linéaire violait la convention 158 de l’OIT, en ce qu’il visait à priver les salariés concernés de la protection contre le licenciement. Le syndicat critiquait plus précisément l’étroitesse de la passerelle entre CDD d’optimisation linéaire et CDI intermittent. Compte tenu des conditions exigées (au moins 500 heures de travail pour une même entreprise sur 12 mois), les salariés n’avaient en réalité que peu de chances de basculer un jour dans le contrat de travail intermittent et de bénéficier de la protection contre le licenciement inhérente à tout CDI.
La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, fait une lecture inverse de ce mécanisme. Selon elle, l’obligation de l’employeur de proposer un CDI intermittent lorsque les conditions fixées par l’accord du 10 mai 2010 sont réunies vise tout au contraire à poser des limites au CDD d’optimisation linéaire : à partir d’un certain seuil d’activité, le CDD n’est plus justifié et il faut passer au CDI.
En second lieu, le syndicat considérait que le CDD d’optimisation linéaire ne répondait pas aux critères du CDD d’usage, au sens du code du travail.
Mais là encore, la Cour de cassation valide la position de la cour d’appel : les emplois pourvus par les contrats d’intervention d’optimisation linéaire dans les conditions prévues par l’accord du 10 mai 2010 étaient par nature temporaire et il existait bien, dans le secteur de l’optimisation linéaire et avant même la conclusion de l’accord en question, un usage constant de ne pas recourir au CDI.
La balle est désormais dans le camp du Conseil d’État. Compte tenu de la décision de la Cour de cassation, le juge administratif devrait valider l’arrêté d’extension de l’accord du 10 mai 2010.
Cass. soc. 20 février 2019, n° 17-16450 FSPB